À l’occasion de la réactivation de Scénographie potentielle, travail à la fois
performatif, sculptural et vidéographique, premièrement réalisé en 2019, de l’artiste Alix Boillot, le Centre Chorégraphique National Mille Plateaux et son équipe ont permis aux élèves de la CPES CAAP du lycée Valin une rencontre avec l’artiste plasticienne et scénographe, ainsi que d’élaborer un projet autour du médium de performance.
Alix Boillot est une artiste française, et a étudié à l’École Nationale
Supérieure des Arts Décoratifs de Paris (ENSAD Paris) dans le secteur impression et édition puis assez rapidement dans le secteur scénographie. Ses travaux s’attachent à lier émotions et spiritualité tout en évoquant une certaine légèreté. Elle invite le public à créer sa propre histoire en laissant dans ses œuvres une part importante à l’imaginaire que nous avons chacun en nous. En incorporant des éléments du rêve dans la réalité, elle matérialise d’une certaine manière ce que nous seuls pouvons fabuler. Dans son travail, Alix Boillot aime assumer le faux, elle s’inspire des codes du cinéma.
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Dans sa pièce les aventures d’Alice au pays des merveilles, qu’elle présente pour son diplôme de fin d’études aux arts déco, elle remarque qu’en annonçant au public que son performer (Julien Lacroix) était Alice, personnage du roman de Lewis Caroll, une fois les règles acceptées, cette homme, par le jeu des projections d’imaginaire, devient Alice.
Pour ce projet, elle a décidé de travailler avec le principe d’incrustation, de projection, qui viendrait ici de la part des spectateurs (sous une forme conceptuelle, mais en même temps plastique, elle utilise une salle de vidéo, entièrement en fond bleu pour l’incrustation vidéo, avec pour seul guide, l’histoire de Lewis Carroll.
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Dans un principe de prolongement de ce travail, le bleu du fond était les
prémices à ses formes présentes dans scénographie potentielle. En s’adaptant et en se réinventant avec l’espace qui l’accueille, elle se base ici aussi sur le fonctionnement de la paréidolie où chaque forme peut représenter quelque chose. En y confrontant différentes personnes, différentes situations, les formes changent d’apparence, de sens, même ce détail orange sur les formes bleues vient solliciter l’imaginaire de chacun. Seul ou en groupe, (pour une représentation ce fut un renard qui fut invité à déambuler au milieu de ces formes), le bleu, petit à petit s’imprègne du lieu et des actions faites par les performeurs présents. Ces formes peuvent être tout à la fois en même temps qu’elles sont ces « patates bleues ». Elles permettent de ne pas bloquer le réel, car en créant un espace dramaturgique, un décor ou un paysage, elles laissent place à un imaginaire où se développent, à travers la performance, le langage du cinéma ou de la vidéo, des sensations, des lieux, des situations. Elles sont une sorte de « trou dans le réel ».
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La réactivation de Scénographie potentielle a offert aux élèves de la CPES-CAAP du lycée Valin une occasion rare de plonger dans l’univers d’Alix Boillot et d’explorer les multiples facettes de la performance artistique. Ce projet, mêlant créativité et réflexion, a permis de questionner l’impact d’une œuvre sur le spectateur, qu’il soit d’ordre émotionnel, visuel ou sensoriel.
Dernièrement pensionnaire à la villa Médicis à Rome en 2023-2024,
elle y a réalisé plusieurs performances, dont Grace, à l’occasion de la
Notte Bianca qui est une performance dans laquelle, la batteuse romaine Valentina d’Angelo, interprète le morceau de Jeff Buckley dans l’eau. Que ce soit l’eau des fontaines, des larmes, de la glace ou de la neige, cet élément traverse son œuvre récente.
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Lors de notre rencontre avec Alix Boillot nous avons pu discuter de la place
d’un artiste dans le monde aujourd’hui. Elle nous a répondu qu’être un
artiste c’est “produire de l’inutile”. Alix se pose la question de la “pollution” dans
son travail, sur le fait qu’être artiste c’est ajouter quelque chose en plus sur
une planète qui croule déjà sous le poids de ce que chacun produit. Elle y
réagit en créant alors des pièces souvent éphémères telles que des vases de
sel, des colonnes de neige qui vont fondre ou encore des colonnes en terre
sous cuite, qui permet à l’argile de se tenir mais aussi d’être soluble dans
l’eau.
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Nous avons également eu l’occasion de parler d’autres de ses œuvres telles
que the second body : en collaboration avec Ola Maciejewska, ,où Alix cherche un moyen pour contraindre le corps
d’une danseuse non pas par quelque chose qui empêche le mouvement
comme des cordes attachées à chaque membre mais par quelque chose de
fragile qui pousse alors le danseur à y faire attention. Il est vrai que l’on ne
danse pas de la même façon si l’on cherche à se défaire d’une entrave et si
l’on porte un bébé dans nos bras. Alix choisit alors un morceau de glace,
celui-ci a sa propre ligne de temps, c’est-à-dire qu’il fond et que la danseuse
doit alors faire avec. De plus, ici c’est le corps qui devient à son tour fragile soumis au froid de la glace.
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© photographie Maria Baranova-Suzuki
Workshop TRACES
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Un workshop en plusieurs parties a été préparé avec l’équipe du CCN de la
Rochelle, Alix Boillot elle-même et les étudiant.e.s et enseignant.es de la classe préparatoire du lycée Valin. Suite à un repérage sur les lieux, une écriture et a la réalisation de “partitions” au préalable, les étudiant.es ont chacun eu l’opportunité sur deux jours – le 21 et 22 novembre 2024 – de présenter leurs projets devant la classe et Alix, qui a pu après chaque performance faire un retour et échanger sur les intentions de chacun.e.
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Ce projet s’est intéressé à l’impact même qu’une performance pouvait avoir, et entre le début et la fin de celle-ci, à la création d’une trace, tant physique que psychologique à travers le mouvement ou l’immobilité des corps.
En faisant le choix de faire intervenir une personne seule ou plusieurs, voire tout le groupe entier, les étudiant.es ont dû réfléchir à la mise en place d’un dispositif ainsi qu’à la captation vidéo de leur projet. En mettant le corps et l’action en avant, ils ont pu expérimenter un art où le devenir-image laisse de la place au sens, à l’émotion et aux ressentis.
Compte-rendu réalisé par Capucine Colin et Maya Le Ménelec-Mery, étudiantes en CPES-CAAP