A snowfall of salt, une exposition de Paulius Šliaupa au centre intermondes

Le centre Intermondes de La Rochelle accueille du 13 Septembre au 02 Novembre 2024 l’exposition A Snowfall of Salt de l’artiste lituanien Paulius Šliaupa. Né dans un petit village de la campagne lituanienne, l’artiste oriente son travail vers l’idée que l’homme, accompagné par de plus en plus de progrès notamment technologiques, tend à s’éloigner de la nature, pourtant essentielle à toute forme de vie. Il questionne la place de l’humain dans cet ensemble complexe qui le surpasse. Le jeudi 12 Septembre 2024, la classe de CPES CAAP a été accueillie par Paulius  Šliaupa et Daniella Geo, commissaire belgo-brésilienne de cette exposition.

Paulius a d’abord travaillé la peinture, dans une démarche de plus en plus abstraite, puis, à l’occasion d’un voyage Erasmus en Belgique, il y a étudié la photographie toujours en se penchant sur l’étude de l’interaction entre la lumière et la matière (glace, neige, montagnes etc). Animé d’une énergie nouvelle dans ce pays, il s’est lancé dans la réalisation d’un film pendant un an.

C’est dans le cadre de la Saison de la Lituanie en France qu’il a été en résidence au centre Intermondes – Humanités océanes à partir du printemps 2024. A la recherche d’une connexion entre son pays et la ville de La Rochelle, Paulius entame une démarche en communion spirituelle avec la nature, système “infini” qui nous survivra.

Dans son film Gaia, projet mené sur quatre ans, l’artiste propose de suivre une femme aux étranges vêtements évoquant une créature mi-organique mi-humaine, qui nous guide à travers la diversité des paysages que nous offrent notre Terre. A la recherche d’un monde caché, l’actrice (Birutė Belada Tauterytė) incarne une figure mystique dans les paysages enneigés de Lituanie, interagissant avec ce milieu au fil de sa déambulation. Par exemple : elle procède à un rituel lituanien autour de ce vieil arbre qui servit à cacher des livres durant l’occupation soviétique. Paulius établit une connexion entre son pays natal et le littoral de La Rochelle par ce personnage central qu’est Gaïa, explorant des paysages marins semi artificiels, nous indiquant le chemin à suivre de l’ombre de son corps. Ces images partiellement filmées par drone forment une boucle, scellée par les paroles de Gaïa, citations de l’écrivaine Donna Haraway transformées à l’aide d’une intelligence artificielle qui relatent de l’écart croissant entre l’Homme et la nature. Devant l’écran trônent quatre chaises couvertes de faux gazon, nous invitant à nous asseoir et à s’ancrer dans le moment présent. Prenez-donc un instant, un moment de votre réalité pour vous plonger dans celle de cette mystérieuse femme qui nous partage les si beaux trésors de ces différents univers. Nous partageons pourtant la même  existence mais Paulius nous invite, au travers de ce film, à redécouvrir le monde, les connections intimes et infimes entre ces lieux. Au travers des textures, des environnements, des sons et des mouvements nous nous plongeons dans ces mondes cachés aux yeux de ceux qui ne peuvent regarder leur monde d’un œil curieux.
 

Paulius Šliaupa, Gaïa, installation vidéo, 2020-2024

Accrochés sur de grands rideaux noirs faisant office de cimaises, Paulius nous propose, dans une démarche proche de celle d’un scientifique, d’analyser  les Critters : spécimens marins récoltées au cours de ses balades sur le littoral. Les filaments irisés de l’impression 3D, qui les conservent entièrement, semblent ramener ces fossiles à la vie lorsqu’ils ondulent avec le tissu sur notre passage. Cette série d’impressions 3D et de tableaux/sculptures rend d’autant plus compte de l’étroite connexion entre les nouvelles technologies et notre environnement naturel. Grace à la peinture, médium qu’il utilise depuis longtemps, Paulius fige sur six toiles toute la complexité et les caractéristiques des matières organiques qui l’entourent : un rocher jonché de coquillages, un récif ou encore un tapis de mousse. Nous croirions observer ces tableaux au microscope tant l’orientation des projecteurs rappelle les binocles d’observation d’un biologiste. La série devient alors presque une installation, résultat de nombreuses expérimentations.

Paulius Šliaupa, Critters, impression 3D en fils brillants, 2024

Ces formes vivantes conservées aujourd’hui pourraient servir à rendre compte de ces espèces dans le futur, elles agissent comme des “souvenirs du futur”. Face à ces fossiles qui lui sont contemporains, le spectateur prend du recul, adoptant un regard proche du scientifique, considérant également sa place au sein du système complexe et “infini” qu’est la nature.

Paulius Šliaupa, Critters, peinture, pâte à texturer, 2024
Paulius Šliaupa, Critters, peinture, pâte à texturer, 2024

Enfin, à l’abri des regards au fond de la petite salle trône Sisyphus, une bouée d’amarrage posée à même le sol, entourée de galets et de coquillages, sur laquelle est projetée une vidéo. Sur la bouée prend alors vie le personnage mystérieux d’un homme intriguant grandement Paulius. Pour cause, ses allers-retours incessants entre terre et mer, ne semblant jamais s’arrêter d’arpenter le littoral, comme condamné à errer sans cesse. Tel Sisyphe faisant rouler cette immense pierre, cet homme associé à un rocher semblable nous hypnotise et nous entraîne dans cette longue marche.

Paulius Šliaupa, Sysiphus, installation vidéo, 2024

L’installation particulière nous invite à nous pencher sur cette histoire, sur cette étrange bouée abîmée par les marées et à profiter de l’instant qui s’offre à nous. L’atmosphère calme de la mer, mise en avant par le son des vagues et de l’environnement confère un vrai moment de déconnexion avec le monde aux alentours. Le point de vue aérien (la vidéo a été captée à l’aide d’un drone) nous fait redécouvrir le lieu et l’existence éphémère de l’Homme qui entre en communion avec l’éternel océan.

 Des vidéos de drones prises à son insu et de cette intrigante routine ne resteront que les souvenirs échoués sur cette bouée pleine d’histoire.

C’est ainsi qu’au travers d’une communion technologique et mystique que Paulius nous révèle la beauté mais aussi la puissance de ce que nous ne pouvons voir sans un œil attentif et curieux. Les créatures marines, les rochers, les récifs et les coraux s’associent à la neige, aux montagnes, aux arbres centenaires et à la glace. De la Lituanie à La Rochelle, un voyage secret prend vie sous nous yeux. A Snowfall of salt  nous reconnecte aux mondes que ne n’aurions peut-être pas connus ou pris le temps d’apprécier.  Nous découvrons la nature sous un autre point de vue mais également les technologies telles que le drone qui est, aux yeux de Paulius, un super-pouvoir qu’il faut apprendre à maîtriser. Cependant, malgré les réglementations concernant ces innovations, il est tout de même possible d’établir ce lien si fort entre l’Homme et la Nature qui semble si important, de plus en plus de nos jours. Pour Paulius, ce monde est une mine d’or qu’il faut apprendre à découvrir et appréhender.

Maële CHOUIN et Diane SABOURIN