Par le vent soufflent misères et merveilles – une exposition de Barbara Kairos (Chapelle des Dames Blanches – Tour de la Chaine)

vue de l’exposition à la Chapelle des dames Blanches

Barbara Kairos est diplômée des Beaux-Arts d’Angers depuis 2018, un DNSEP (Diplôme national supérieur d’expression plastique) avec félicitations du jury sous un bras et une dizaine d’exposition sous l’autre, les installations de l’artiste sont marquées par le mouvement artistique Arte Povera des années 1970 pour leur pauvreté de matériaux. En effet celle-ci utilise des matériaux de son quotidien, qui, par la suite, seront transformés pour donner l’aspect final de ses œuvres. Elle retranscrit également son inspiration pour Michel Blazy et de son travail avec la moisissure, la décomposition, en laissant ses œuvres « s’activer », elle cède le contrôle à l’organique. Elle aime ce phénomène de sérendipité qui la place aussi, en quelque sorte, en tant que spectatrice de ses propres œuvres et lui permet de cultiver sa propre surprise.

vue de l’exposition à la Tour de la Chaine

C’est à la Tour de la Chaîne ainsi qu’à la Chapelle des Dames Blanches de la Rochelle que nous avons plongé dans l’exposition « Par le vent soufflent misères et merveilles » de l’artiste Barbara Kairos qui vit et travaille dans les alentours d’Angoulême. Elle nous fait découvrir une matière mystérieuse, qui oscille entre dureté et souplesse, maîtrise et perte de contrôle à travers des œuvres qui « vivent par elles-mêmes ».

Barbara Kairos travaille avec une matière spécifique et étonnante, un mélange de colle de peau animale et d’épluchures/jus de légumes tels que des carottes ou des oignons. Elle mélange des matériaux non-nobles, des « déchets » qui deviennent par la suite précieux.

détail de l’installation à la Tour de la Chaine

Ce mélange de colle de peau et d’épluchure de légume est une matière organique périssable. Ainsi, elle lui échappe, elle ne peut la contrôler totalement. Elle finira par pourrir. Il y a donc une évolution de la matière qui se transforme dans le temps, jusqu’à sa disparition.

Cette matière est notamment caractérisée par son aspect à la fois plastique et à la fois organique ; par ses variations de couleur qui dépendent des peaux de légumes récupérées et également par sa forte odeur reconnaissable.

une substance active et vivante en constante évolution

Barbara Kairos connait la colle de peau depuis son enfance. En effet, son grand-père et son père la fabriquaient. Il s’agit d’un apprêt à base de peaux, tendons animaux (collagène) qui est commercialisé dans les magasins de matériel pour peintres, à l’état de paillette pour enduire les toiles afin que les pigments ne traversent pas le tissu. Elle expérimente cette matière depuis qu’elle est étudiante mais ne l’a développé avec des peaux de légumes qu’une fois diplômée. Les sculptures de la Chapelle des Dames Blanches sont sa plus grande réalisation avec cette matière.

Barbara Kairos s’inspire pour ce projet du lieu même de La Rochelle, de son histoire, de ses archives, de ses anecdotes et de sa relation avec l’océan.

La Tour de la Chaîne est un lieu symbolique, construit en 1390 et est le témoin d’un commerce maritime prolifique notamment avec la marchandise du sel puis d’un commerce triangulaire qui enrichit la ville de La Rochelle. L’installation de Barbara Kairos propose des sortes de balances en guise de structure, qui sont disposées à différents niveaux et supportent des éléments de poids multiples. Tel un cabinet de curiosité, ces balances exposent aux visiteurs des impressions d’algues, de mollusques, des fragments de trésors marins mais également des fioles remplis de jus de légumes. Barbara évoque ainsi les différents commerces de La Rochelle, ces différentes misères et merveilles.

détail de l’installation à la Tour de la Chaine
détail de l’installation à la Tour de la Chaine

A l’exposition située à La Chapelle des Dames Blanches, les visiteurs sont accueillis par des « bouchons ». Ces derniers ressemblant à des bouées ou des toupies qui peuvent être associées au flux de l’océan. Ils sont enrobés de colle de peau et ont pour rôle d’amener les visiteurs à découvrir la suite de l’exposition. En effet, les cordes semblent relier les deux salles.

à l’entrée de la Chapelle des Dames Blanches
détail des objets installés à l’entrée de l’exposition


Pour l’exposition située à La Chapelle des Dames Blanches, Barbara Kairos s’inspire des bateaux et particulièrement de leurs voiles. Du fait du taux élevé d’humidité, les sculptures se sont recroquevillées et alourdies avant le vernissage de l’exposition. Ces sculptures deviennent alors des paréidolies. En effet, les formes peuvent faire penser à des carcasses ou encore peuvent évoquer les drapés des vitraux de la Chapelle. L’accrochage suspendu permet de créer du mouvement au passage du visiteur. Par ailleurs, Barbara Kairos décide d’ajouter à ses peaux de légumes des fleurs et des branches qui proviennent du jardin du cimetière de la Chapelle.

Pour Barbara Kairos, « même si les corps des sœurs (qui occupaient le cloître et la chapelle jadis) ne sont plus là, les végétaux gardent quelques choses de leur âme ».

Médiation et discussion avec Barbara Kairos, artiste et Dominick Pagès, médiateur culturel