Rencontre avec l’artiste Tatiana Lecomte et les étudiant.es de la CPES-CAAP Valin

Les étudiant.es de la Classe Préparatoire Arts (CPES-CAAP) ont rencontré l’artiste Tatiana Lecomte (venue spécialement de Vienne en Autriche !) dans le cadre d’un partenariat avec le FRAC Méca Nouvelle Aquitaine et le projet de commande photographique de la Région Nouvelle Aquitaine. Celle-ci nous a présenté son travail en salle de conférence avant de partager avec nous sur le projet de commande photographique auquel elle participe.

Tatiana Lecomte, B.B. 2006, Série de 5 tirages argentiques couleur, 120 x 162 cm chacun

Tatiana Lecomte est une artiste photographe née à Bordeaux en 1971 et vivant en Autriche depuis 1992. Son parcours d’études l’a fait passer par l’ENSBA de Lyon, par la Gerrit Rietveld Academie à Amsterdam et par l’université d’arts appliqués de Vienne. 

Son domaine d’activité est celui de la photographie, une photographie teintée d’histoire. Très attachée au sujet de la seconde guerre mondiale, Tatiana Lecomte, à travers ses différentes productions, nous confronte à une réalité du passé, un passé où le présent essaye en vain de reprendre sa place. Elle vient chercher nos souvenirs et nous confronte à eux, nous les partage, nous remet en question.

Sa vidéo Un Bruit Meurtrier illustre parfaitement cette démarche. Ce premier film de Tatiana Lecomte, réalisé à la suite d’un concours, en 2015, met en scène un homme âgé, contant  ses souvenirs pendant la seconde guerre mondiale. Cette personne faisait partie des déportés qui ont participé à la construction d’un tunnel en Autriche sous le commandement des Allemands. Il est accompagné d’un homme dont le métier est bruiteur, et qui a pour rôle d’écouter les souvenirs de ce survivant de guerre et de reproduire les sons décrits dans les histoires qu’il entend. Plongé entre horreur et compassion, Tatiana Lecomte réussit à nous emmener dans ce tunnel lors de sa construction et nous confronte à la dure réalité de l’Histoire.

Tatiana Lecomte, un bruit meurtrier, film, 21 minutes, 2015

Comme dit précédemment, Tatiana Lecomte est une photographe, c’est donc dans cette posture qu’elle nous invite à dialoguer avec elle dans ses autres productions. 

Comme dans la série de photographies B.B. réalisé entre 2000 et 2005 sur le site de Bergen-Belsen; site d’un ancien camp de concentration nazi. Ce camp ayant été brûlé après une épidémie de Typhus, il est, de nos jours, complètement enfoui sous la végétation. Tatiana Lecomte vient, à travers cette série de photographies de type reportage, raviver les souvenirs et les flammes de ce lieu en utilisant de la paille de fer pour gratter la surface de ses photographies. Cela a pour effet de créer une couleur orangée rappelant étrangement le feu.

Tatiana Lecomte, Zement, Série de 5 tirages argentiques couleur 120 x 160 cm chacun, 2006

En parallèle, nous pouvons évoquer la série intitulée Zement qui se déroule aussi sur le site d’un ancien camp de concentration. Cette série de cinq photographies argentiques nous invite sur le lieu d’un camp de concentration qui a été rasé pour pouvoir y construire un lotissement, un lieu où, encore une fois, le présent essai de trouver sa place au milieu d’un endroit empreint d’histoire. Tatiana Lecomte nous propose des photographies de ce lotissement sur lesquelles elle dispose un papier carton blanc, recouvrant la quasi totalité du cliché et en laissant seulement les bords de l’image visible. Elle nous met dans une position de contemplation, aux frontières de ce qui est et de ce qui a été.

Tatiana Lecomte, à travers son travail, nous propose un voyage dans le temps, un voyage à travers des époques et des histoires que le présent ne pourra jamais effacer, des histoires qui ont créé le monde dans lequel nous vivons et qui méritent de ne pas être oubliées. Par sa pratique de la photographie, elle matérialise les souvenirs de toute une génération et lui permet de continuer de vivre, elle les rend immortelles.

Compte-rendu réalisé et rédigé par Adèle Godefroy et Pierre Boutin, étudiant.es en CPES-CAAP

Après avoir échangé sur nos projets respectifs nous avons convergé vers le site de Chef de Baie, lieu de mémoire de la Résistance rochelaise où furent fusillés 12 jeunes résistants entre 1941 et 1944. Ce fut l’occasion pour nous de croiser nos regards sur la capacité pour ces lieux à rester habités (par la mémoire, par le présent). Nous y avons fait quelques recherches photographiques et corporelles, tentant de faire interagir l’espace et les individus, de réfléchir à des croisements entre la démarche de l’artiste et nos recherches sur les espaces fragilisés qui nous environnent.

faire corps avec la mémoire ? Photographie Lili Weyl