A l’invitation de l’association LEAR, le 9 décembre 2024, la poétesse autrichienne Sophia Schnack est venue rencontrer des élèves du lycée Valin, dont la seconde 1. Cette classe lui a offert une expérience unique : la lecture chorale d’un de ses textes en prose ; mais on avait tressé trois langues : l’allemand (langue originale), l’espagnol et le français (traductions), grâce à M. Müller, Mme Lambert-Bordiec, et Mme Sennane. Sophia Schnack a également répondu aux questions du public. Vous trouverez ci-dessous des articles rédigés par des élèves de seconde 1 qui rendent compte de cet échange.
L’envol d’une poétesse
Comment votre vie s’organise t-elle ?
Ma vie est très rythmée. En effet, je suis poétesse mais également enseignante à l’université de Vienne. J’enseigne la littérature française et le cinéma. Je ne vis donc pas exclusivement de ma passion qui est l’écriture même si cela pourrait être un objectif dans le long terme. Mais pour le moment, il m’est compliqué d’allier les cours à l’université, l’écriture, et ma vie personnelle. Quant à mon temps libre, j’essaie de privilégier des moments pour pouvoir écrire. Notamment le matin dès mon réveil où mes idées sont claires et non impactées par les événements de la journée. Enfin, j’aime les moments simples de la vie comme le cinéma, les longues balades dans la nature, la mer, les rencontres humaines, afin de vivre une vie à mille à l’heure et ne pas ressentir d’ennui, qui est une chose que je n’apprécie pas.
Le privilège d’écrire des poèmes est-il donné à tout le monde? Quelles sont les méthodes pour y arriver ?
Je pense que, oui, tout le monde peut écrire des poèmes à sa façon et ainsi transmettre une idée ou des émotions, mais le don n’est pas donné non plus pour ainsi dire. Pour ma part, quelques rituels se sont installés comme écrire le matin dès mon réveil ou me créer des temps libres dédiés à cette activité. Il est important de se créer une routine personnelle, sans oublier la régularité, qui est pour moi la clé de la réussite. Un poème peut prendre du temps à écrire, de quelques jours à quelques semaines, alors il ne faut pas se décourager.
Que représente l’écriture pour vous ?
L’ écrit est pour moi une deuxième maison, un refuge, comme une manière de vivre une autre vie.
La poésie est un besoin physique et psychologique. Ce besoin fut aussi à la source de mon premier roman puisque il m’était urgent d’écrire. Pour moi, les mots sont synonymes de caresses. J’aime beaucoup le nom “envol” en français, par exemple. Je trouve mon inspiration dans la vie quotidienne, dans les voyages puisque je suis très sensible et dépendante de mon environnement. Dans mes poèmes, les thèmes sont variés, mais ils se rapportent tous plus ou moins au temps qui passe. Ma peur la plus grande étant le temps, cela me permet en écrivant de l’arrêter ou de le ralentir. Les émotions sont toutes positives et il n’y a pas d’engagement personnel politique puisque mon but est de rester « neutre » et il n’y a pas non plus de destinataire précis afin que tout le monde puisse « s’approprier » le poème. Je trouve la poésie fascinante dans sa manière de capter le beau, de rester humain, de faire voyager à travers des vers, de rester sensible face aux mots, de garder un regard bienveillant sur le monde extérieur et ainsi de pousser l’humain dans ses capacités. Pour finir, je pense que la beauté réside dans le choix des langues utilisées puisque j’écris en allemand mais également en français afin de mêler la diversité des langues et des sons.
Propos recueillis par Ema Corbineau et Alicia Groleau
La poésie : une passion partagée
Sophia Schnack, quel est votre rapport à l’écriture ?
J’ai commencé à écrire lorsque j’avais 7 ans, c’était un poème que j’avais écrit pour mes grands-parents. Mais cela fait seulement 5 ans que ce que j’écris est publié. D’ailleurs, ce que j’aime le plus dans l’écriture c’est le partage ; je n’écris pas pour moi-même mais pour qu’un dialogue s’installe. De plus, je compte bien continuer ma passion jusqu’à la fin de ma vie, cela est une évidence car l’écriture est nécessaire, elle permet de se nourrir et sans cela, je me sens mal.
Pouvez-vous nous dire comment se déroulent vos séances d’écriture ?
Tout d’abord, j’ai comme un rituel : lorsque je me lève le matin, je me mets immédiatement à écrire car je suis dans un certain état sensible, fragile et silencieux que je n’arrive pas à retrouver dans la suite de la journée. Cet état me permet de chercher le rêve et le beau. Pour ce qui est du temps que je mets à écrire une œuvre, cela est extrêmement variable : je peux n’écrire que quelques vers rapidement ou passer deux semaines entières à travailler sur un texte et finalement l’abandonner. Lors de mes séances d’écriture, la barrière de la langue intervient aussi. Chaque pays a sa vision du monde, et écrire dans plusieurs langues me permet d’avoir une approche différente de mes poèmes.
Quels thèmes appréciez-vous aborder dans vos œuvres et pourquoi ?
Je dirais que le thème qui me tient le plus à cœur est le temps qui passe car c’est une notion qui m’effraie beaucoup et à travers mes poèmes, j’exprime la volonté de le garder, de le faire rester le plus longtemps possible. Néanmoins, mes sources d’inspiration peuvent être très variées : je peux m’inspirer de diverses scènes quotidiennes comme un paysage le long de la route, une personne croisée dans le métro…
Enfin, parlez-nous du métier d’écrivain …
Ce métier comporte de nombreux avantages, car la recherche est très intéressante et cela permet de rester sensible en gardant son âme d’enfant. Cependant ce métier comporte aussi des inconvénients comme la solitude, l’atmosphère compétitive entre les écrivains et la rémunération instable. C’est pour cela que je n’aurais pas aimé vivre pleinement du métier d’écrivain car j’ai besoin de bouger et d’avoir des gens autour de moi en faisant autre chose que l’écriture comme je le fais actuellement à l’université de Vienne. Néanmoins il me reste très compliqué de combiner ces deux activités et je pense ne pas être la seule autrice dans cette situation.
Propos recueillis par Anaïs Coquery et Élise Béranger
Dépasser les limites de la littérature
Qu’est-ce que la poésie pour vous et que vous apporte-t-elle ?
Pour moi, la poésie est un besoin central et physique. C’est un peu comme une seconde éducation, un deuxième apprentissage de la vie. Elle me permet aussi de toujours voir le beau, le côté positif, de voyager sans bouger, d’apprendre, de creuser et de rester encore un peu comme une enfant. La poésie peut aussi figer le temps dans mon écriture, dans mes mots, dans mes poèmes. Et je ne distingue pas la prose et la poésie ; je déteste les limites des genres.
Où, quand et comment écrivez-vous vos poèmes ?
Pour écrire mes poèmes je m’inspire du monde qui m’entoure, parfois de mes propres expériences. Cependant, je préfère écrire le matin car je sors tout droit du monde des rêves. C’est l’état où je suis le plus sensible, où je peux recevoir. C’est un peu comme un rituel, chercher le fonctionnement du rêve. Puis j’écris mes poèmes dans le lieu où je me trouve, il est la source d’inspiration du poème concerné. J’écris mes poèmes d’abord sur papier car j’aime l’aspect concret de la feuille et du stylo. Aussi, le papier s’imprègne des odeurs et des caractéristiques du lieu où je me trouve …par exemple le sel de la mer lorsque je me trouve à la plage, dans un port… Ensuite je réécris mes poèmes sur ordinateur pour avoir une vue d’ensemble et les publier.
Pourquoi avoir choisi d’inclure le français dans un de vos recueils ?
Pour moi, le français était une partie de moi, il fallait que je l’apprenne. Je me suis donc intéressée à la philologie, la poésie et le cinéma français. J’ai beaucoup lu de textes français pour apprendre cette langue. Puis inclure le français dans mes poèmes n’est ni conscient, ni réfléchi. Par exemple, j’ai écrit le recueil Cils vert de pin en allemand et en français car je me trouvais en France, c’était donc naturel. J’ai ainsi modelé l’allemand en retirant les majuscules afin de n’avoir aucune hiérarchie entre les mots.
Propos recueillis par Elsa Dieuset et Chloé Lahille